Wisława Szymborska : une plume discrète dans un monde bruyant
Teresa Gregorowicz – 30 avril 2025
Temps de lecture : 5 minutes
Imagine une poétesse qui détestait les grands discours, fuyait les feux de la rampe, mais qui, mot après mot, a mis le monde entier dans sa poche. C’est ça, Wisława Szymborska.
Née le 2 juillet 1923 à Prowent (aujourd’hui absorbé par Kórnik, près de Poznań en Pologne), elle grandit dans une Pologne tiraillée entre guerres, occupations et bouleversements politiques. Très jeune, elle déménage à Cracovie, la ville qui deviendra sa maison jusqu’à la fin.
Une vie sous le communisme
Szymborska commence à écrire à une époque où être poète en Pologne, c’est aussi être surveillé. Après la Seconde Guerre mondiale, le régime communiste s’installe, et les artistes sont vite sommés de chanter les louanges du parti. Elle publie ses premiers poèmes dans des journaux affiliés au régime. Son premier recueil, C’est donc la vie (1952), adopte même, en partie, le ton du réalisme socialiste, ce style imposé par le pouvoir. Elle rejoint brièvement le Parti communiste en 1948, mais très vite, elle en a ras-le-bol. En 1966, dégoûtée par la propagande et la censure, elle quitte le parti et devient une figure discrète mais puissante de la résistance intellectuelle — non pas à coups de slogans, mais avec de la finesse, de l’humour et surtout : le doute.
Une poétesse de l’invisible
Szymborska, c’est l’anti-poète pompeux. Pas de grandes envolées. Elle parle de choses simples : une pomme, un chat, une tombe anonyme, un atome, un point d’interrogation. Mais toujours avec ce regard ironique et tendre qui retourne tout.
Elle disait :
“Je préfère le ridicule d’écrire des poèmes au ridicule de ne pas en écrire.”
Sa poésie est courte, précise, parfois drôle, souvent bouleversante. Elle pose des questions, mais ne prétend jamais avoir toutes les réponses. Elle est à des années-lumière du cliché de la poétesse tourmentée. Elle adore les mots croisés, déteste les grands rassemblements, refuse de lire ses poèmes en public.
Anecdotes croustillantes
- Elle fabriquait de fausses couvertures de livres pour ses amis : des pastiches absurdes, genre Le guide du parfait poisson rouge postmoderne.
- Elle n’avait pas de téléphone portable, ni d’ordinateur. Même après son Nobel, elle écrivait ses poèmes à la main.
- Elle fumait comme un pompier, mais son autodérision désarmait tout le monde.
- Quand elle a reçu le Prix Nobel de Littérature en 1996, elle a dit : “Je suis bouleversée. Je ne savais même pas que je faisais partie des finalistes.”
Une vie tranquille, une mort discrète
Elle vécut toute sa vie à Cracovie, dans un petit appartement, loin des projecteurs. En 1948, elle épouse Adam Włodek, mariage qui se dissout en 1954. Vers 1969, elle entame une relation avec Kornel Filipowicz ; ils restent ensemble jusqu’à sa mort en février 1990. Elle détestait les biographies – sans doute aurait-elle haï qu’on raconte sa vie dans un blog. Mais on lui pardonne, parce qu’on l’aime.
Wisława Szymborska est morte le 1er février 2012, à 88 ans, dans son lit, entourée de ses amis et de ses livres.